TEPA Suisse - Inde, l’essentiel pour exporter
Après seize années de négociations, le TEPA Suisse Inde, ou Accord de Partenariat Commercial et Économique (Trade and Economic Partnership Agreement), conclu entre les pays de l’AELE (Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse) et l’Inde, franchit une étape décisive : sa mise en application est fixée au 1er octobre 2025.

Pour la Suisse, l’un des premiers États européens à conclure ce type d’accord avec l’Inde, c’est une opportunité stratégique majeure, mais aussi un enjeu exigeant en matière de préparation.
Voici ce que cet accord change (et ce qu’il faut surveiller).
Contexte et portée de l’accord
1.1 Histoire et positionnement
L’AELE–Inde TEPA a été signé le 10 mars 2024 à New Delhi. Il représente un pont entre une puissance émergente (l’Inde) et un bloc européen non membre de l’UE (l’AELE).
Son entrée en vigueur le 1ᵉʳ octobre 2025 marque le moment où les engagements prennent un caractère opérationnel.
Ce qui rend l’accord particulièrement symbolique : les exportateurs suisses bénéficient d’un avantage concurrentiel face à d’autres acteurs étrangers, l’UE, les États‑Unis, la Chine, qui n’ont pas (ou pas encore) de traité équivalent avec l’Inde.
1.2 Principales dispositions
L’accord ne se limite pas au simple abaissement des droits de douane : il comprend des chapitres sur les services, les investissements, la propriété intellectuelle, la facilitation des échanges, les réglementations techniques, etc.
Côté suisse et AELE, les concessions incluent notamment la suppression progressive ou immédiate des droits de douane sur une large partie des exportations.
Selon le département fédéral de l’économie, 94,7 % des exportations suisses vers l’Inde verront leurs droits de douane supprimés.
L’Inde, de son côté, propose des concessions également, mais en modulant les périodes de transition selon les catégories de produits, certaines réductions seront immédiates, d’autres graduellement étalées sur plusieurs années.
2. Ce que cela change pour la Suisse
2.1 Avantages attendus
Meilleur accès tarifaire : Pour les fabricants suisses, notamment dans les secteurs technologiques, mécaniques et électriques, l’abolition des droits de douane jusqu’à 22 % constituait jusqu’à présent une barrière. Avec l’accord, les produits suisses deviennent plus compétitifs sur le marché indien.
Opportunités pour les PME exportatrices : Les petites et moyennes entreprises, qui n’avaient pas les moyens de localiser une production en Inde, pourront profiter de conditions plus favorables à l’exportation, sans supporter de coûts douaniers excessifs.
Effet de signal pour l’investissement : L’accord encourage l’investissement croisé et le transfert de technologies. Les entreprises suisses pourraient monter des filiales ou coopérer avec des partenaires indiens pour produire localement ou co-développer des solutions.
Exemples concrets : Lors du Swissmem Industry Day (juin 2025), le ministre indien Piyush Goyal a proposé la création d’une « enclave suisse » en Inde pour faciliter l’implantation de sociétés suisses.
2.2 Secteurs particulièrement concernés
- Transport ferroviaire, infrastructure, urbanisme : la Suisse compte parmi les leaders mondiaux dans ces domaines. L’accord ouvre une fenêtre sur d’importants marchés publics en Inde.
- Technologie / MEM (mécanique, électrique, électroniques) : les produits technologiques suisses pourront pénétrer le marché indien sans surcharge tarifaire.
- Services et mobilité des personnes qualifiées : grâce aux dispositions sur les services, les sociétés suisses pourront plus aisément envoyer du personnel, fournir des services informatiques, de conseil ou d’ingénierie.
3. Risques, défis et zones d’attention
Concurrence locale intense : L’Inde est un marché très concurrentiel, avec une industrie locale dynamique et une pression sur les marges. L’accord ne garantit pas l’obtention de contrats, les entreprises devront être performantes, compétitives et bien positionnées.
Phases de transition et exclusions : Toutes les réductions tarifaires ne sont pas instantanées : certaines seront progressives selon les produits et selon les calendriers négociés. Certains produits « sensibles » peuvent être exclus ou limités.
Volatilité macroéconomique : Le secteur technologique suisse souffre déjà d’un recul de la demande mondiale et de pressions tarifaires externes, notamment les droits élevés imposés par les États-Unis, ce qui fragilise la base d’exportation.
Par ailleurs, selon une enquête, un tiers des entreprises d’ingénierie suisse envisagent de déplacer une partie de leur production vers l’Union européenne pour atténuer les coûts et risques.
Mise en œuvre opérationnelle : L’accord exige une adaptation juridique, tarifaire, administrative, les entreprises doivent se familiariser avec les règles d’origine, les certificats, les procédures douanières, la conformité réglementaire locale. Une mauvaise gestion pourrait entraîner des retours de droits ou des litiges.
En conclusion : Une opportunité à saisir, une préparation à ne pas négliger
L'entrée en vigueur du TEPA entre l'AELE et l'Inde est sans conteste une étape historique pour l'économie suisse. En offrant un accès préférentiel à l'un des marchés les plus dynamiques du monde, cet accord positionne la Suisse avec un avantage concurrentiel notable sur ses rivaux européens et mondiaux. Pour les entreprises, notamment les PME des secteurs technologiques et industriels, la suppression des barrières douanières ouvre des perspectives de croissance inédites.
Cependant, l'enthousiasme doit s'accompagner de réalisme. L'accord n'est pas une garantie de succès, mais un puissant levier. La véritable différence se fera sur le terrain : dans la capacité des entreprises suisses à naviguer la complexité administrative, à s'adapter à une concurrence locale féroce et à offrir des produits et services qui répondent précisément aux besoins du marché indien. Le succès de cette nouvelle ère de coopération dépendra autant de la lettre du traité que de l'agilité et de la préparation de nos exportateurs.